Méditation sur la paternité de Dieu

Ces textes ne sont pas la bonne réponse au sondage (comme s'il pouvait y en avoir une). Ils ne sont pas un cours de théologie sur la paternité de Dieu. Ils ne sont rien d'autre qu'une méditation inspirée par les images (et chacun sait que deux personnes peuvent légitimement ne pas voir la même chose sur une même image : ça ne signifie pas qu'on puisse dire n'importe quoi sur la paternité de Dieu !) Vous aurez sans doute d'autres idées ; envoyez-les nous.

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Une image intimiste. Un salon, une petite lampe qui semble éteinte. Deux personnages assis : il y a sans doute un père et son fils.
Le fils est allongé, adossé sur un fauteuil, les mains dans les poches, l'air renfrogné. Le père est assis face à lui sur un pouf, il n'est pas adossé : comme si c'était confortable d'être père. Comme si c'était confortable d'être Dieu, face à des hommes qui sont toujours prêts à lui faire des reproches et qui savent mieux que lui comment il aurait dû mener la création.
Le père parle, avec les mains aussi. Le fils écoute-t-il ? Est-ce que j'écoute quand Dieu me parle, avec sa parole incarnée en Jésus, avec les mains percées sur la croix de l'homme-Dieu ?
Dieu parle avec tendresse, avec persuasion, sans s'énerver mais avec fermeté, mais l'homme n'est pas facile à convaincre.

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Quand on dit que Joseph n'était que le père adoptif de Jésus, je bondis ! Le drame de la paternité humaine, c'est quand l'homme ne reste que le géniteur, le père biologique, de ses enfants. C'est le niveau zéro de la paternité. On ne devient vraiment père que quand on parvient à adopter ses enfants. Joseph est passé d'emblée au niveau supérieur, celui de Dieu, qui adopte l'humanité. Je vois sur cette image deux possibilités de lecture. Bien sûr le menuisier Joseph qui apprend le métier à son garçon qui le regarde avec attention. Et puis Dieu Père qui apprend l'humanité à ses créatures. Un sourire, beaucoup de tendresse.

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Beaucoup de tendresse : ce petit enfant assis sur l'épaule de son papa, la joue reposée sur sa tête, et qui disparaît presque dans la grosse main du papa qui le tient fermement et sans l'étouffer. Et ça doit être inconfortable pour le père, de tenir l'enfant déséquilibré, sur une seule épaule. Moi aussi, j'ai porté mes enfants sur les épaules, mais sur les deux. Dieu est prêt à tout pour mon bonheur, je peux entièrement m'abandonner en lui.
Et qu'est-ce qu'il est jeune, ce papa : Dieu est un jeune père comme je l'ai été, émerveillé devant ses enfants comme je l'ai été en me penchant sur leur berceau. "Qui m'a vu, a vu le Père, dit Jésus". Comme ces trois anges de l'icône de la Trinité de Roublev, tellement pareils et tout différents. C'est une énorme émotion : Dieu est bien jeune ! Pas un ancien qui sait tout, un jeune père qui ne vieillit pas.

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Une image qui paraît bizarre : deux mères de famille avec leurs enfants. Mariage homosexuel, tentative d'humour ? Pas pour moi. Dieu est à la fois père et mère, le judaïsme le répète depuis l'antiquité. La paternité de Dieu est si parfaite qu'elle est aussi maternelle. Amour fort, viril, loyal d'un père, tendresse d'une mère qui aime "avec ses entrailles". Et cette tendresse crée la fraternité qui n'est jamais si forte que quand nous nous sentons fils et filles de Dieu, comme le petit garçon et la petite fille qui se tendent la main et une fleur. Et les filets à provisions cessent d'être une image de la société de consommation quand ils parlent de Dieu qui nourrit ses enfants et les fait vivre. Au prix de sa vie.

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Ce père qui joue avec ses enfants ne paraît pas bien sérieux ! Et plus que par un respect peut-être mal placé pour Dieu, nous répugnons à nous voir en gamins qui s'amusent. Nous mettons Dieu sur un trône et nous briguons un strapontin. Si je pouvais cesser, face à Dieu, de me prendre au sérieux, de jouer un personnage... Si je pouvais l'accepter comme un papa proche, disponible, souriant, attentionné, qui pense à moi plus qu'à lui, qui libère et épanouit, et pas comme un potentat dominateur, sûr de sa puissance, qui asservit et vers qui on ne peut qu'à peine lever le regard...

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Je me retrouve loin en arrière, quand je devais parfois réveiller mon fils aîné pour lui donner son dernier biberon agrémenté de farine pour passer la nuit. Et je retrouve l'expérience de la foi : un Dieu qui nourrit, qui donne la vie, mais aussi qui a l'initiative, qui prend le bébé dans ses bras. Mais toute comparaison a ses limites. Le bébé sait qu'il a faim et réclame, l'adulte n'a pas conscience qu'il a faim de Dieu, ou ne s'en préoccupe pas. Et la nourriture que Dieu propose à notre vie chrétienne n'est pas un biberon qui s'avale sans effort : elle provoque parfois des grimaces, comme le petit livre qu'avalent Ezékiel et le voyant de l'Apocalypse, doux dans la bouche, amer aux entrailles...

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J'ai spontanément du mal à retrouver Dieu dans cet homme aux bras chargés de paquets. Faut-il y voir une victime de la société de consommation incarnée par sa femme qui le regarde avec un air gourmand ? Faut-il y voir un homme dépassé par son plaisir à faire des cadeaux ? Notre Père est plus simple : il n'a qu'un cadeau, lui-même, et il est infini. Personne ne l'oblige, il se donne parce que c'est dans sa nature. Et il est discret, tellement qu'on oublie souvent de lui dire merci.

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Ce dessin tiré du Hortus Deliciarum de Herrade de Landsberg (Mont Sainte Odile) est profondément impressionnant. Il fait référence à l'Apocalypse : "Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux". Le Père a les traits du Fils : "Qui m'a vu a vu le Père". C'est une vision d'avenir à la fois saisissante et bouleversante. Dieu "juge" qui révèle à l'humanité ce qu'elle a vraiment été, la médiocrité de ses plus beaux élans, la banalité de ses plus belles envolées, en regard de la lumière de l'amour infini... et en même temps le père, comme désolé devant la peine que cette découverte cause à ses enfants, qui les console avec tendresse.

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La famille parfaite. Il ne manque ni la pipe, ni la cravate, ni le collier de perles, ni les cheveux apprêtés (et le petit nœud dans ceux de la petite file), ni le chien, ni les sourires comblés. Il n'y a que le chien, plus clairvoyant que les hommes, qui ne participe pas à la béatitude générale. C'est posé, convenu, artificiel, factice. A cent lieues du dynamisme de Dieu ! même ceux qui "reposent" en lui, sont pris dans le tourbillon de sa vie. Une éternité figée comme celle-ci me ferait peur. Le Père n'a ni cravate ni pipe et je n'aurai pas peur de me présenter nu devant lui et de laisser son regard m'habiller de lumière.

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Quand j'imagine Dieu Père sous les traits d'un jeune père de famille, je n'ai pas envie de déprécier les grands-pères. Celui de Véronèse a quelque chose de majestueux sans être hiératique. Ses mains ouvertes disent l'accueil, son regard baissé n'est pas arrogant. N'empêche que sa calvitie et sa barbe de prophète ne m'impressionnent pas. Je préfère imaginer Dieu jeune : ça ne l'empêche pas d'être père. Et pour être mon père, il n'a pas besoin d'être plus vieux que moi : c'est au contraire un appel à "redevenir comme un enfant" pour entrer dans le Royaume des Cieux.

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