L'aventure de Joseph
14ème jour : vous êtes mon troupeau !

Depuis qu'il avait vu les soldats romains battre sa femme, Joseph avait essayé de se rapprocher d'Eliézer le berger. Il aurait voulu le consoler mais il fut surpris de voir qu'il n'avait pas l'air tellement triste. Comme s'il avait aimé ses moutons plus que sa femme.
Il avait insisté pour l'accompagner dans les pâturages de la montagne. Eliézer avait fini par accepter. Un matin, Joseph et lui partirent avec le petit troupeau.
- Comment fais-tu pour savoir si tu les as toutes ?
- Facile, il y en a si peu, je les compte sur mes doigts. Dans certaines bergeries, quand il y en a beaucoup, les bergers mettent des petits cailloux dans une boîte. Comme la porte de la bergerie est très étroite, il passe une seule brebis à la fois, et à chaque fois, on enlève un caillou de la boîte. Quand on rentre, on remet les cailloux. S'il y a autant de cailloux que de brebis, c'est qu'on les a toutes1.
- Et si tu ne les as pas toutes ?
- Je repars les chercher où j'étais. D'habitude, ce n'est pas très loin.
- La nuit ? Tu n'y vois rien ! Et tu laisses les autres ?
- Je cherche tant qu'on y voit clair. Et les autres sont à l'abri dans la bergerie, le chien les garde. Ça n'arrive pas souvent.
- Ils ne s'arrêtèrent qu'un petit moment pour souffler à midi. Le soleil tapait dur. Joseph était étonné : ses parents faisaient des prières plusieurs fois par jour, Eliézer n'en faisait pas. Le soir, quand ils arrivèrent enfin, Joseph était fatigué. La nuit tombait. Il demanda :
- Qu'est-ce qui arriverait si tu n'étais plus là ?
- Si je ne rassemblais pas mes brebis, elles partiraient dans tous les sens et elles se perdraient un peu partout.
- Mes parents disent que nous sommes comme des brebis sans berger.
- C'est un peu vrai. Depuis longtemps notre peuple part un peu partout. On ne s'occupe pas tellement de Dieu. Moi aussi, j'ai perdu l'habitude de faire mes prières. Je pense à lui, un peu, quand les brebis sont sages et que je ne dois pas trop les surveiller. Mais Dieu nous enverra un berger !
Joseph ne dit rien. La nuit était complètement tombée. Il reprit :
- Ils disent aussi que nous sommes dans la nuit. Mais moi j'aime bien la nuit. Il y a de belles étoiles.
- Il n'y a pas toujours d'étoiles, et la nuit c'est facile quand on est dans une maison, dans un village, tu vas voir que c'est moins drôle ici. Tu devrais d'ailleurs essayer de dormir.
Joseph s'enroula dans un coin de la bergerie, mais il comprit vite pourquoi la nuit n'était pas drôle. Malgré sa couverture, il avait froid. Les moutons bougeaient sans arrêt et faisaient du bruit. Il ne voyait rien mais il entendait des animaux dehors qui passaient, qui glissaient. Il imaginait le serpent qui avait trompé le premier homme et l'avait amené à se séparer de Dieu. Il entendait au loin des cris d'animaux mais il ne savait pas ce que c'était, il entendait de temps en temps des coups de vent. Il avait peur mais il n'osa rien dire. Il avait l'impression qu'il était tout seul, comme si Eliézer l'avait abandonné.
Il finit quand même par s'endormir mais il fit des rêves bizarres. Ses parents avaient raison : la nuit, ce n'est pas drôle quand on n'est pas à la maison.

1 Ce procédé, connu des bergers de Grèce au Moyen-Orient, a donné le mot calcul (en latin, calculus veur dire caillou)


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