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La création du monde dans le livre de la Genèse
Le premier chapitre de la Genèse est un poème assez tardif (après l'exil à Babylone). Il évoque la création comme une semaine d'action de Dieu, terminée par le sabbat Les êtres sont créés dans un ordre de complexité croissant et la création est envisagée moins en faisant apparaître du néant que comme une mise en ordre, une séparation.
Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et vide1, et la ténèbre à la surface de l'abîme2 ; le souffle de Dieu3 planait à la surface des eaux4, et Dieu dit : "Que la lumière soit !" Et la lumière fut.
Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara5 la lumière de la ténèbre.
Dieu appela la lumière "jour" et la ténèbre il l'appela "nuit".
Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour6.
Dieu dit : "Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux !"
Dieu fit le firmament et il sépara les eaux inférieures au firmament d'avec les eaux supérieures7. Il en fut ainsi.
Dieu appela le firmament "ciel". Il y eut un soir, il y eut un matin : deuxième jour.
Dieu dit : "Que les eaux inférieures au ciel s'amassent en un seul lieu et que le continent paraisse !" Il en fut ainsi.
Dieu appela "terre" le continent ; il appela mer l'amas des eaux. Dieu vit que cela était bon.
Dieu dit : "Que la terre se couvre de verdure, d'herbe qui rend féconde sa semence, d'arbres fruitiers qui, selon leur espèce8, portent sur terre des fruits ayant en eux-mêmes leur semence !" Il en fut ainsi. La terre produisit de la verdure, de l'herbe qui rend féconde sa semence selon son espèce, des arbres qui portent des fruits ayant en eux-mêmes leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.
Il y eut un soir, il y eut un matin : troisième jour.
Dieu dit : "Qu'il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour de la nuit, qu'ils servent de signes tant pour les fêtes que pour les jours et les années, et qu'ils servent de luminaires au firmament du ciel pour illuminer la terre." Il en fut ainsi.
Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour présider au jour, le petit pour présider à la nuit, et les étoiles9.
Dieu les établit dans le firmament du ciel pour illuminer la terre, pour présider au jour et à la nuit et séparer la lumière de la ténèbre. Dieu vit que cela était bon.
Il y eut un soir, il y eut un matin : quatrième jour.
Dieu dit : "Que les eaux grouillent de bestioles vivantes et que l'oiseau vole au-dessus de la terre face au firmament du ciel."
Dieu créa les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remuants selon leur espèce, dont grouillèrent les eaux, et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon.
Dieu les bénit en disant : "Soyez féconds et prolifiques, remplissez les eaux dans les mers, et que l'oiseau prolifère sur la terre !"
Il y eut un soir, il y eut un matin : cinquième jour.
Dieu dit : "Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce : bestiaux, petites bêtes, et bêtes sauvages selon leur espèce !" Il en fut ainsi. Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les petites bêtes du sol selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.
Dieu dit : "Faisons l'homme à notre image10, selon notre ressemblance, et qu'il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre !"
Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa11.
Dieu les bénit et Dieu leur dit : "Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre !"
Dieu dit : "Voici, je vous donne toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte sa semence ; ce sera votre nourriture.
A toute bête de la terre, à tout oiseau du ciel, à tout ce qui remue sur la terre et qui a souffle de vie, je donne pour nourriture toute herbe mûrissante." Il en fut ainsi.
Dieu vit tout ce qu'il avait fait. Voilà, c'était très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : sixième jour.
Le ciel, la terre et tous leurs éléments furent achevés.
Dieu acheva au septième jour l'œuvre qu'il avait faite, il arrêta au septième jour toute l'œuvre qu'il faisait.
Dieu bénit le septième jour et le consacra car il avait alors arrêté toute l'œuvre que lui-même avait créée par son action.
Telle est la naissance12 du ciel et de la terre lors de leur création.
Le deuxième chapitre est une tradition beaucoup plus ancienne. Elle évoque la création comme l'écrin dans lequel viendra vivre l'homme et qui se conclura avec l'affirmation de la grandeur de la sexualité, et de l'humanité qui vit "en présence de Dieu".
Le jour où le SEIGNEUR Dieu fit la terre et le ciel, il n'y avait encore sur la terre aucun arbuste des champs, et aucune herbe des champs n'avait encore germé, car le SEIGNEUR Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n'y avait pas d'homme pour cultiver le sol ;
mais un flux montait de la terre et irriguait toute la surface du sol.
Le SEIGNEUR Dieu modela l'homme avec de la poussière prise du sol13. Il insuffla dans ses narines l'haleine de vie, et l'homme devint un être vivant.
Le SEIGNEUR Dieu planta un jardin en Éden, à l'orient14, et il y plaça l'homme qu'il avait formé. Le SEIGNEUR Dieu fit germer du sol tout arbre d'aspect attrayant et bon à manger, l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais15.
Un fleuve sortait d'Éden pour irriguer le jardin16 ; de là il se partageait pour former quatre bras.
L'un d'eux s'appelait Pishôn : c'est lui qui entoure tout le pays de Hawila où se trouve l'or
- et l'or de ce pays est bon - ainsi que le bdellium et la pierre d'onyx.
Le deuxième fleuve s'appelait Guihôn ; c'est lui qui entoure tout le pays de Koush.
Le troisième fleuve s'appelait Tigre ; il coule à l'orient d'Assour. Le quatrième fleuve, c'était l'Euphrate.
Le SEIGNEUR Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Éden pour cultiver le sol et le garder.
Le SEIGNEUR Dieu prescrivit à l'homme : "Tu pourras manger de tout arbre du jardin,
mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir17."
Le SEIGNEUR Dieu dit : "Il n'est pas bon pour l'homme d'être seul. Je veux lui faire une aide qui lui soit accordée18."
Le SEIGNEUR Dieu modela du sol toute bête des champs et tout oiseau du ciel qu'il amena à l'homme pour voir comment il les désignerait. Tout ce que désigna l'homme avait pour nom "être vivant"; l'homme désigna par leur nom19 tout bétail, tout oiseau du ciel et toute bête des champs, mais pour lui-même, l'homme ne trouva pas l'aide qui lui soit accordée.
Le SEIGNEUR Dieu fit tomber dans une torpeur l'homme qui s'endormit ; il prit l'une de ses côtes20 et referma les chairs à sa place.
Le SEIGNEUR Dieu transforma la côte qu'il avait prise à l'homme en une femme qu'il lui amena.
L'homme s'écria : "Voici cette fois l'os de mes os et la chair de ma chair, celle-ci, on l'appellera femme car c'est de l'homme qu'elle a été prise."
Aussi l'homme laisse-t-il son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair21.
Tous deux étaient nus, l'homme et sa femme, sans se faire mutuellement honte22.
1 chaos en grec, tohu bohu d'après deux mots hébreux.
2 l'abîme est une manière d'imaginer le néant.
3 Ce souffle est comme une haleine de vie et de respiration ; ce n'est pas l'Esprit de Dieu.
4 les eaux désignent un milieu inhabitable.
5 la création sépare ce qui constituera le milieu de vie de l'humanité et le reste, inhabitable.
6 Avec l'affirmation "Dieu vit que cela était bon", la succession des jours forme comme un refrain.
7 Le monde primitif est entièrement liquide ; les eaux supérieures donneront le pluie, les eaux inférieures les mers.
8 C'est donc aussi une séparation et un classement.
9 La lumière du premier jour n'est donc pas celle du soleil : elle est une émanation de Dieu qui s'oppose aux ténèbres qui sont refus de Dieu. D'autre part, contrairement aux cosmogonies moyen-orientales, l'auteur de la Bible fait des "puissances célestes" des créatures et non pas des divinités.
10 Il y a un complet changement de ton. Au lieu d'un ordre exprimant une volonté ("que la lumière soit",...) Dieu semble se parler à lui-même et affirme la préséance de l'homme sur toute la création.
11 Petit passage rythmé en hébreu, un petit poème à l'intérieur du grand, qui affirme que c'est "homme et femme" que Dieu a voulu l'humanité et que c'est la sexualité, dans la vie de relation qu'elle produit, qui est à l'image de Dieu.
12 Le mot "naissance" évoque un devenir et une évolution. La création n'est pas un produit fini une fois pour toutes.
13 De la poussière et non de l'argile ! C'est une mauvaise traduction de ce passage qui a fait prendre Dieu pour un potier en parlant de "glaise" au lieu de "glèbe", qui désigne la terre arable poussiéreuse. L'acte de Dieu relève de l'impossible : qui saurait modeler de la poussière sèche ?
14 La localisation de ce jardin légendaire est impossible et sans intérêt. Il est plus symbole de l'état de vie de celui qui est en harmonie avec Dieu qu'un lieu précis. L'orient est le côté où le soleil se lève : il est signe que Dieu est soleil levant et que toute vie vient de lui.
15 Ces arbres sont évidemment purement symboliques : il s'agit de prérogatives divines auxquelles l'homme n'a pas accès parce que dans l'harmonie avec Dieu il n'en a pas besoin. Ils deviendront l'objet de la tentation et de la convoitise.
16 Les quatre fleuves cités sont les quatre grands fleuves du Moyen-Orient (deux bras du Nil, le Tigre et l'Euphrate. L'auteur imagine que le jardin d'Eden recouvre tout le monde connu.
17 Non pas par punition mais par conséquence d'un choix qui éloigne l'homme de Dieu et lui fait refuser sa vie, préférant ses fragilités et ses limites.
18 Littéralement, c'est une aide "contre" lui ou "en vis-à-vis" : Dieu n'envisage pas que l'homme et la femme "regardent ensemble dans la même direction", il leur propose plutôt un face-à-face.
19 Le nom n'est pas un simple moyen de désigner, il est expression de la personnalité et de l'être profond. Donner un nom, c'est posséder, dominer, pouvoir exercer un droit.
20 Episode regardé avec une pitié moqueuse... En fait, Dieu ne prend pas simplement un os, il ouvre une blessure qui fait de lui un être incomplet : c'est le couple porte la plénitude de l'humanité. L'homme est touché au cœur, la femme est le symbole de la capacité à aimer. Symboliquement, comme les temples antiques avaient leur porte sur le côté, la femme devient la porte qui conduit l'homme à Dieu.
21 Les juifs essayent de faire remonter aux premiers temps de l'humanité une théologie du mariage qu'ils n'ont jamais su vivre mais que Jésus confirmera.
22 La nudité originelle est le signe de la pureté du regard qui respecte l'autre et pas celui d'une absence de désir sexuel. L'homme et la femme n'ont pas besoin de se cacher car ils ne courent aucun risque.


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