[ Retour ]


Bethphagé ne dit peut-être pas grand-chose à des aultes et ne présente pas un intérêt capital pour des enfants. Mais c'est dans ce village proche de Jérusalem que Jésus a envoyé des apôtres chercher un âne. C'est monté sur lui qu'il est entré dans Jérusalem. Quel effet ça lui a fait ?


J'habite un village qui a un drôle de nom. Enfin, pas pire que les vôtres ! Toi, l'alsacien qui habite à Krautergersheim, et toi le basque d'Itxassou, et toi le breton de Ploudalmézeau... Mais si, ils sont tous jolis, les noms de nos villages. Bref, moi je suis un âne. Ah, ça te fait rire ? Oui, j'ai l'habitude, tout le monde me prend pour un idiot. Ecoute-moi plutôt.

Ce matin, il y a deux hommes qui sont venus, ils ont commencé à me détacher, j'ai trouvé ça un peu bizarre. Mon maître l'a vu, il est sorti pour leur demander "pourquoi détachez-vous cet âne ?" Ils ont répondu "Jésus en a besoin, mais il vous le renverra tout de suite après". Mon maître a fait un signe pour dire "d'accord" et ils m'ont détaché puis nous sommes partis. C'était le printemps, les oiseaux chantaient, il y avait plein de brins d'herbe et de fleurs au bord du chemin. D'habitude je m'arrête partout pour en manger, c'est frais, tendre, parfumé. Aujourd'hui je les ai suivis sans m'arrêter parce que je me demandais pourquoi Jésus pouvait avoir besoin d'un âne. Pour monter dessus ? J'y ai pensé, je ne suis pas idiot, ça m'est déjà arrivé qu'on monde sur mon dos. Pour tirer une charrette ? Ça ne m'amusait pas, parce que c'est fatigant. J'avais un peu entendu parler de ce Jésus : un homme extraordinaire, très gentil et très fort. Il avait besoin d'un âne comme moi ? Bizarre. Nous sommes arrivés à l'endroit où Jésus et ses copains nous attendaient. C'est vrai qu'il a une bonne tête, ce Jésus. Il a souri, il a dit merci, il m'a caressé. J'aime ça. Puis ils ont tous posé leurs manteaux sur mon dos et ils ont aidé Jésus à monter aussi. Ça me faisait un peu trembler. Moi, un âne, je portais Jésus ! Et on s'est mis en route.

Nous allions vers Jérusalem. Il y avait de plus en plus de monde avec nous, ils chantaient des chansons joyeuses, ils coupaient des branches aux arbres et les jetaient devant moi. Je marchais sur un tapis vert, c'était joli, plus que les cailloux du chemin. Qu'est-ce que j'étais fier !
On est enfin arrivé à la porte de Jérusalem. Les gens sortaient de chez eux en entendant le bruit et venaient avec nous. Quelqu'un a crié "Hosanna", un autre a repris "oui, hosanna au fils de David", d'autres ont continué "il vient au nom de Dieu, c'est formidable, Dieu nous bénit, il nous aime, il va faire avec un nous un monde nouveau, tout le monde sera heureux !" Et ils se sont mis à chanter tous en chœur "hosanna jusque tout en haut du ciel, jusqu'à Dieu !"
Jésus, lui, souriait, gentiment, il disait un mot gentil, surtout aux enfants. Il y avait des mamans qui soulevaient leurs bébés pour qu'il les touche, heureusement que je ne suis pas grand ! Et derrière nous ça chantait toujours aussi fort. Tout le monde avait l'air heureux. Mais voilà que sur la rue qui monte vers le temple, il y avait un groupe de pharisiens. Ceux-là, je ne les aime pas. Ils sont toujours en train de rouspéter, ils nous répètent que nous faisons mal ce que nous nous faisons. Ils seraient même capables de m'expliquer comment il faut que je porte une caisse. Ils demandent à mon maître s'il m'a lavé les poils avec de l'eau pure... Là ils nous ont fait arrêter et ils ont dit à Jésus "ce n'est pas bien, ce que disent tes amis, fais-les taire !" Jésus les a regardés dans les yeux et il a répondu avec douceur mais fermement : "je vais vous dire : ce qu'ils disent, c'est tellement bien que s'ils se taisent, ce sont les pierres du chemin qui crieront à leur place ! Alors ils se sont écartés, furieux, et ils nous ont laissés passer.

Nous sommes enfin arrivés au temple. Jésus est descendu, ses copains ont repris leurs manteaux, puis il m'a regardé avec un grand sourire et il m'a dit "merci, tu m'as bien rendu service ; maintenant tu peux retourner chez toi, les animaux ne peuvent pas venir où je vais. Sauf quelques-uns et il vaut mieux que tu n'en fasses pas partie." Je n'avais pas bien compris mais un des copains de Jésus m'a expliqué : "les animaux qui entrent au temple sont tués en l'honneur de Dieu ; toi, tu lui as fait honneur en le portant, c'est encore mieux. Tu peux rentrer chez toi." C'est ce que j'ai fait. Oui, tu ne savais peut-être pas : nous, les ânes, on dit que nous sommes bêtes, mais nous retrouvons notre chemin comme si nous avions un GPS. Je suis revenu chez moi tout fier d'avoir porté Jésus. Mais je n'ai pu le raconter à personne, à part toi...