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La sécheresse était terrible, punition pour un pays qui avait renié Dieu et prétendait pouvoir se passer de lui. Quelle présomption ! Mais Dieu protège celui qui garde confiance en lui, et son auxiliaire peut être un oiseau mal-aimé, noir et bruyant...


Les gens n'aiment pas tellement les corbeaux. Ils trouvent que nos plumes noires sont tristes, ils n'aiment pas notre chant - croa-croa... - Ils aiment davantage les pinsons et les rossignols, c'est vrai qu'ils sont plus jolis... Ils racontent que nous sommes bêtes, qu'un jour un corbeau qui avait trouvé un fromage avait été roulé par un renard qui le lui avait volé. Les gens racontent n'importe quoi. Ecoutez plutôt ce que je vais vous raconter.
Un jour, dans le pays où Jésus viendra longtemps après, il y avait tellement longtemps qu'il n'avait pas plu que tout était sec. Il n'y avait plus rien à manger dans les jardins ni dans les champs. Moi je me débrouillais avec les petits animaux qui mouraient de faim, oui, ce n'est peut-être pas très joli, mais le malheur des uns permet aux autres de vivre...
Dans ce pays, il y avait un homme qui s'appelait Elie. C'était vraiment un ami de Dieu. Mais lui aussi, il avait faim et soif. Il était tellement fatigué qu'il est venu s'asseoir un jour sous mon arbre. Il y avait là un petit ruisseau, et elle avait encore de l'eau. Alors j'ai entendu une voix qui me parlait. Je n'avais pas tellement l'habitude, je n'ai pas reconnu tout de suite la voix de Dieu :
- Veux-tu faire quelque chose de bien ?
- Je ne sais pas comment faire, il paraît que nous, les corbeaux, on porte malheur...
- Laisse dire les gens et réponds-moi.
- Qu'est-ce que je devrai faire ?
- Tu vois cet homme qui construit une cabane avec des branches au pied de ton arbre ? C'est un ami, j'ai décidé de le sauver de la sécheresse et de lui donner à manger.
- Et tu comptes sur moi pour ça ?
- Tu as bien deviné.
- Alors là, les gens ont bien raison ! Comment veux-tu que je fasse !
- Chaque jour, quand le soleil se lève et quand il se couche, tu lui apporteras du pain et de la viande.
- Tu ne veux quand même pas que je les fabrique ? Je ne vais pas lui donner de la viande des souris que je mange ! Je ne sais pas la faire cuire !
- Il se débrouillera bien, il sait faire du feu.
- Bon, je veux bien essayer, mais tu m'en demandes beaucoup !
- J'ai confiance en toi.
- Tu es bien le premier !
J'ai essayé. J'ai volé un peu partout. Evidemment je n'ai rien trouvé, plus personne n'avait à manger. Dieu ne s'imaginait quand même pas que j'allais faire cuire moi-même du pain ! Il m'a fait confiance, mais il se moquait un peu de moi ! Ce n'est pas gentil !
Le soir tombait et brusquement, je vois sur un petit rocher une jolie galette de pain et une cuisse de poulet. D’où venaient-ils ? Je ne me suis pas posé de question. Normalement, j'aurais dû manger le poulet. Je l'ai pris délicatement dans mon bec et je me suis envolé. Pas facile de voler avec un gros morceau de viande dans le bec. Je suis allé à la cabane d'Elie et j'ai posé la viande. Il a regardé, un peu surpris, il m'a souri, et je suis aussitôt reparti chercher la galette. Quand je la lui ai rapportée, il avait allumé un petit feu et il faisait cuire le poulet. J'ai déposé le pain, il m'a dit "merci, frère corbeau". Et alors j'ai vu qu'il avait laissé un morceau de viande sans le faire cuire. Il m'a dit "c'est pour toi". Nous avons mangé tous les deux, il m'a donné quelques miettes de pain. La nuit était venue, je suis revenu dans mon nid et j'ai failli me cogner à une branche.
Ça a continué un bon moment, tant qu'il y avait de l'eau dans le ruisseau. Mais il ne pleuvait toujours pas. Un jour, j'apportais sa viande et son pain à Elie, comme toujours. Nous avons mangé puis il m'a dit : "Merci pour ton fidèle service, Dieu est content de toi. Mais demain je vais partir. Le ruisseau est à sec, Dieu m'envoie plus loin. Mais je penserai toujours à toi."
Le lendemain, je suis allé voir. Il n'y avait plus de pain et de viande sur le rocher. Je suis revenu vers Elie. Il avait ramassé ses affaires et se préparait à partir. Il m'a souri, m'a fait un signe de la main, et m'a dit "adieu, frère corbeau ! encore merci pour tout et que Dieu te garde !"
J'ai volé un peu avec lui, puis je l'ai regardé s'éloigner. Moi aussi, j'aurais pu lui dire merci, mais je ne savais pas comment faire. Il m'a appris que les corbeaux ne sont peut-être pas beaux et ne chantent pas bien, mais qu'ils comptent aussi pour Dieu.