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Le coq n'est pas à Pierre, bien sûr... Mais il joue un rôle bien connu. Jésus avait annoncé à Pierre, très sûr de sa fidélité : "avant que le coq chante, tu m'auras renié trois fois". Les chrétiens bien-pensants ont brocardé ce pauvre fanfaron de Pierre qui n'a pas tenu le coup. Et où aurions-nous été à sa place ! Il a au moins eu le courage que n'ont eu aucun des autres apôtres, et il en fallait, de suivre Jésus jusque chez le grand prêtre. Le coq ne chante rien d'autre que la faiblesse humaine si elle ne s'appuie pas sur Dieu. Pierre est un homme admirable, dans son courage, dans sa peur, dans sa lucidité.


J'ai un emploi tranquille dans la basse-cour du temple de Jérusalem. C'est moi qui réveille les prêtres pour qu'ils se préparent à faire leur travail du matin au temple. Quand je vois au loin le ciel qui s'éclaire, je sais que le soleil approche. Alors je chante. Voilà, c'est tout simple. Le reste de la nuit, je dors. Un métier pépère. Cette nuit pourtant, il y a de l'animation. Ça bouge dans tous les sens, au lieu d'aller dormir. Je sens que ça va être dur de les réveiller demain matin, il va falloir que je crie de toutes mes forces, je vais me faire mal à la gorge ! Un groupe vient de sortir, avec des lanternes et des bâtons. Pour chercher quoi ? Je me demande. Ça n'a pas duré très longtemps, les revoilà. Ils ont ramené avec eux un homme attaché qu'ils ont fait entrer dans la maison. J'ai entendu les gardes qui parlaient de Jésus de Nazareth. Ça te dit quelque chose ?
Maintenant, voilà quelqu'un d'autre. Grand, fort, une grosse barbe, des cheveux très sombres. Il a l'air d'avoir peur, il rase les murs pour qu'on ne le voie pas. Mais on dirait qu'il a froid, comme les gardes qui sont restés dans la cour. Ils ont allumé un petit feu pour se réchauffer. Une servante leur a apporté une tisane, elle bavarde avec eux. Le gars s'approche silencieusement, il s'assoit près du feu et il écoute attentivement. Evidemment les gardes discutent de l'homme qu'ils viennent de capturer :
- Ce Jésus, c'est quand même une histoire incroyable. Dimanche, il entre à Jérusalem comme un roi. Ce soir, trois jours après, on vient l'arrêter comme un voleur ! - J'ai du mal à croire ce que racontent les prêtres. Il a fait tellement de bien. Ce soir, un de ses copains avait blessé Malchus à l'oreille, et lui, il l'a guéri. C'est pas un homme comme les autres !
- En attendant, on l'a attrapé, c'est ce qu'on nous commandait, et ses copains ont eu peur, ils ont disparu, on n'est pas près de les revoir !
Et à ce moment, ils ont regardé vers l'homme qui se chauffait près d'eux.
- Dis donc, toi, d'où sors-tu ? Tu n'étais pas avec Jésus ?
- Non, non, répondit-il, je ne connais pas ce Jésus.
Un des gardes était un cousin de ce Malchus qui avait été blessé :
- Arrête, je t'ai vu moi-même, tu étais avec lui dans le jardin quand nous sommes arrivés ! C'est même toi qui as blessé mon cousin !
- Mais pas du tout, qu'est-ce que vous racontez ! Regardez, je n'ai même pas d'arme, je n'ai jamais blessé personne !
- C'est sûr que tu étais avec lui, ajouta la servante qui venait d'apporter la tisane. D'ailleurs tu viens de Galilée, tu en as bien l'accent !
Vous ne croyez pas qu'on peut distinguer l'accent de Jérusalem et celui de Galilée ? On reconnaît bien un alsacien, un parisien et un marseillais ! En tout cas, moi, j'avais bien compris que cet homme ne venait pas de Jérusalem. Mais il s'est fâché, il s'est levé en criant :
- Mais fichez-moi la paix, j'en ai marre, je ne comprends rien à vos histoires, je ne connais pas cet homme dont vous parlez !
A ce moment, des gardes et des prêtres sont sortis avec Jésus, qui a regardé l'homme. Moi, j'ai cru voir au loin un coin de ciel bleu, mais j'ai peut-être été trompé par la lueur du feu. Enfin, je n'ai pas réfléchi, j'ai chanté. L'homme a regardé Jésus puis le ciel, comme s'il me cherchait. Et il est sorti lentement, la tête basse, comme s'il pleurait.
Les gardes ont emmené Jésus, la servante a éteint le feu. Il fait encore nuit. Je crois que j'ai gaffé.