Le texte de cette page est une homélie prononcée à l'église de Ribeauvillé par le père Jean Bougarel sur Mc 9, 30-37 le 24 septembre 2006 (reproduite avec l'autorisation de l'auteur)
Cest la deuxième fois que Jésus annonce sa mort à venir à ses disciples, qui ne sont pas exempts de cette peur par tous ressentie sur son compte. La première fois Pierre avait réprimandé le Maître. Ce qui lui avait mérité dêtre traité de Satan. Cette fois ils feignent de ne pas entendre que le Seigneur doit souffrir, mourir, avant de ressusciter. Ils voudraient en savoir plus. Pourtant ils ne demandent pas dexplication. On verra quand on y sera.
Interrogés par Jésus, ils nosent pas avouer que la préséance était le sujet de leur conversation très animée. Il y avait les seconds couteaux, timides et effacées. Il y avait les têtes daffiche, qui se regardaient du coin de lil sans en venir à se disputer. On ne pouvait hésiter quentre les trois grands. Ceux-là dont Jésus avait fait ses intimes, ses confidents, ses préférés. Il finirait bien par présenter lhomme de son choix. On verra quand on y sera.
Pour déjouer calculs et pronostics, pour désamorcer ambitions et intrigues, il énonce ici la règle dor des promotions chrétiennes : que celui qui veut être premier se fasse dernier et serviteur de tous. Mise à mort des galons, des honneurs, des plastrons. Jésus nest pas dupe. Très au fait de lhumaine vanité, il sait que les hochets supprimés réapparaissent. Le voilà qui par un geste symbolique affirme la primauté de lenfant : il le met au milieu.
Lenfant : une merveille. On narrête pas de le regarder, pour savoir à qui il ressemble de la tête aux pieds. On narrête pas de le toucher, tellement sa peau a la finesse de la soie. On prend plaisir à le conduire, puisquil se laisse guider, non comme un automate, mais comme un petit dhomme. On prend plaisir à lui apprendre quelques mots qui simprègnent comme dans la cire. On ladmire : miroir de ce que nous étions et que nous voudrions devenir.
Lenfant : une promesse. Penchés au-dessus de son berceau, ses parents se demandent ce quil en sera de ce petit. Pour lui, ils font des souhaits : quil soit grand, beau, bon. Et tout cela au superlatif. Pour lui, ils font des projets, qui sadditionnent, parfois se contrarient. Peu importe. Silence. On est là devant la création en son prélude. Devant la création en son prologue. Lenfant : voilà la vérité de lhomme ! Et voilà la pureté de lhomme !
Lenfant : une énigme. Une fois leuphorie passée, au fur et à mesure que saffirme son caractère, on se demande : quel chemin il prendra ? Quel but il se fixera ? Quelle vie il mènera ? Quelle foi il adoptera ? Cest un bourgeonnement de liberté qui poussera de belles fleurs, quelquefois ici et là contaminées. Cest un surgissement de volonté, qui parviendra à se forger une envergure, pleine, forte, dense, large, marquée ici, tatouée là, de quelques défigurations.
La question de la préséance est parfaitement symbolisée. Lenfant a pris la place, toute la place. La promotion de lenfant : tout le contraire dune régression. Lenfant est lavenir de lhomme. Nest-il pas la carte dentrée dans le Royaume ? A nous de ressembler à ce modèle. Un enfant frappant des deux mains en disant bravo Jésus. Le premier dans lordre de la candeur. Joignant les deux mains pour dire merci Jésus. Le premier dans lordre de la ferveur.